Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/121

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Ah ! Si j’avais, de toute la peinture italienne, à dire ce qui me paraît rendre le plus précieusement le parfum des Fioretti, ce n’est pas à Florence, en dépit de son nom, ce n’est pas parmi les grands maîtres et les talents vantés que je découvrirais cette œuvre ravissante. Je regarderais vers Sienne, vers la ville aérienne perchée sur sa triple colline comme un beau chapiteau posé sur trois colonnes, — la ville de saint Bernardin et de sainte Catherine, dont l’immense cathédrale de marbre blanc et noir plane toujours au sommet de sa plus haute acropole, comme un rêve mystique à jamais inachevé. Là, dans l’église de Saint-François, se trouvent des fresques mutilées d’Ambrogio Lorenzetti, qui dénotent un sens de l’âme franciscaine autrement délié que ne l’a eu Giotto. Mais c’est un maître beaucoup moindre qui a fait l’œuvre exquise.

Elle est en France. Ce sont les panneaux d’un retable peint pour l’église franciscaine de Borgo San Sepolcro par un artiste du xve siècle, un élève peu connu de Sano di Pietro, contemporain de saint Bernardin, — Stefano di Giovanni, surnommé Sassetta[1]. Avec quelle grâce pudique, hésitante, indécise, avec quelle timidité et quelle touchante pâleur il exprime la divine légende ! Avec quelle douceur il en a rendu l’esprit chevaleresque et la romanesque atmosphère ! Comme il a représenté gravement, gentiment, le pacte débonnaire du loup de Gubbio ! Quelle ronde légère fait au-dessus de la scène l’arabesque d’un vol circulaire d’oiseaux ! Mais la perle de cette suite, allez la voir à Chantilly ; et dites s’il y a dans toute la

  1. Cf. les beaux articles de M. Berenson, A Sienese painter of the franciscan legend, dans le Burlington Magazine, septembre-octobre 1903. L’auteur lui-même possède la Gloire de saint François. La scène du Loup de Gubbio appartient au comte de Martel (au château de Beaumont). Les six autres panneaux — outre celui du musée Condé, — sont à Paris dans la collection Chalandon.