Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/127

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Christ, mais quelque chose qui s’en rapproche. Un homme du siècle, un moderne, a reproduit en lui les caractères divins. Chose imprévue ! L’antique mère est toujours féconde : la vie ne s’est pas encore retirée de ses flancs. Les formules sont en déroute. Les ombres se dissipent. À la suite de ce vivant, le vaste et mobile univers rentre dans la peinture.

Bouleversement immense ! On cherche à l’expliquer par la philosophie particulière de saint François, par son amour de la nature, par son art instinctif, son génie de poète. Non, le fait tient uniquement à la merveille des stigmates. Il fallait ce miracle pour rompre l’enchantement, réveiller le monde engourdi, permettre à un contemporain de forcer les barrières de l’art. Et derrière lui la vie, la vie universelle, réelle, familière, infinie, se précipite à flots sacrés.

Il y a un trait sublime de sainte Élisabeth, que rapporte son biographe Thierry d’Apolda. Elle avait recueilli dans son lit un lépreux. Son mari furieux accourt, arrache les draps : mais, à la place du misérable, il découvre le corps étincelant de Jésus-Christ, — N’est ce pas là un peu l’œuvre de saint François, si ce stigmatisé, ce vivant portrait du Christ, a en quelque manière transfiguré le monde en nous faisant comprendre que la vie est divine ?