Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/135

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Elle laissa, en se retirant, mille petites compagnies pieuses, intitulées diversement les Battuti les Verberati, les Disciplinati. Mais bientôt on ne les appela plus que Laudesi, à cause des cantiques ou laudi que chantaient les confrères dans leurs réunions pénitentes[1]. Qu’on se figure, avec toutes les différences de race et de milieu, quelque chose d’analogue à ce que peuvent être aujourd’hui un meeting salutiste, un revival américain, ou une réunion de frères moraves. Les laudesi ont eu une importance considérable. Comme en Grèce, où la tragédie s’est dégagée du dithyrambe, le chœur en se divisant donne naissance au dialogue, à un embryon de drame. Du lyrisme, comme à l’ordinaire, va sortir le théâtre.

J’aurai à revenir, dans la suite de cette étude, sur le théâtre du moyen âge, et à vous dire quelle influence les grands « mystères » du XVe siècle ont exercée sur la peinture et l’art en général. Sans doute, jamais le drame religieux italien ne prit le développement, les proportions cycliques, la complication d’un « mystère ». La

    et spontané des faits. Il décrit ces longues files d’hommes qui allaient deux par deux, en plein hiver, un linge autour des reins, et se meurtrissant à coups de lanières : « Les femmes, les jeunes filles se frappaient de même dans les maisons » (Muratori, Rer. ital. script., t. IX, p. 132). Un autre ajoute : « Cela continuait la nuit, aux cierges et aux torches. Et c’étaient des torrents de larmes, comme si toute cette foule avait, des yeux du corps, vu la Passion du Sauveur. »

    Il poursuit : « Et les doctes avaient bien sujet d’admirer, car nul ne savait d’où soufflait ce vent de pénitence. Et cette fureur inouïe de macération, nul n’en avait donné le signal, ni le pape, ni aucune voix éloquente ou autorisée : mais tout sortait des rangs du peuple et d’une impulsion obscure qui emporta pêle-mêle les savants et les autres » (ibid., t. VIII, p. 712).

  1. Quando si fa disciplina, el Priore sia tenuto di far cantare alcuna lauda, o altra santa casa a laude di Jesu Christo. Capitoli dei Disciplinati di Siena (1285), Sienne, 1858, p. 40. — Une gravure florentine de la fin du XVe siècle nous fait assister à une de ces assemblées ; dans la chapelle de la confrérie, le pénitent, debout devant le crucifix, le buste dévêtu, s’ensanglante les épaules ; les frères, massés au fond de la salle, entonnent un cantique. Voir le frontispice des Laudi di Feo Belcari e di altri, édit. Molini et Cecchi, Florence, 1863. — Sur les rapports des Laudesi et du théâtre, cf. A. d’Ancona, Le origini del teatro italiano, 2e édit., Turin, 1891. Cf. également J.-A. Symonds, Renaissance in Italy, nouv. édit. Londres, 1907, vol. IV, chap. v.