Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/145

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les images visuelles. Ces images labourent la sensibilité. En même temps, elles prennent un empire prodigieux de définition plastique. On en a revu, il y a moins d’un siècle, un exemple singulier dans la personne de Catherine Emmerich, qui pendant trois ans a suivi le Sauveur pas à pas sur les chemins de Palestine. Tout a passé devant ses regards en perceptions nettes et distinctes. Sainte-Beuve en parle quelque part avec admiration. Il rappelle le livre écrit par Clément Brentano sous la dictée de Thumble fille :

Un tel livre, dit le critique, ne s’analyse point. Depuis la dernière Cène de Jésus-Christ avec ses disciples jusqu’après la résurrection, toute la série des événements de l’Évangile s’y trouve développée, variée, illustrée, comme par un témoin oculaire, dans un minutieux et touchant détail de conversation, de localité, de costume. En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poètes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël[1].

Notez le dernier mot. Quoi de merveilleux, en effet, que de tels documents aient pu passer jadis pour des renseignements ayant presque la valeur d’un témoignage original ? Ne sourions pas trop de cette crédulité. La mystique repose sur cette idée que l’entendement ne sait pas tout, et que beaucoup de choses qui échappent à ses prises peuvent être connues par d’autres voies. Loin de nous de railler une telle confiance ! C’est elle

  1. Portraits contemporains, nouv. édit., 1890, t. II, p. 437.