Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/148

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autres, les complétant sur une foule de points, qui comble leurs lacunes et interprète leur silence. De tout temps, les fidèles ont trouvé les Évangiles trop courts. Ils ne se sont pas fait faute d’y suppléer de leur cru. Les livres apocryphes ont été une des lectures favorites du moyen âge. Les Méditations ne leur doivent presque rien[1]. C’est un nouveau fonds qui s’ajoute à la somme des traditions chrétiennes, un fonds tout neuf, tout populaire, sans rien de doctoral, sans trace de scolastique, et conçu dans l’esprit le plus naïvement pittoresque : imaginarias quasdam repraesentationes, annonce le préambule. Presque toute la vie publique de Jésus, ses paraboles, sa morale sont délibérément omises. L’auteur ne développe avec une extrême complaisance que les éléments narratifs, la partie dramatique. Une grande importance est accordée aux rôles de femmes. Tout cela devait faire des Méditations une des sources principales des poètes des Mystères[2]. Les artistes ne leur sont pas moins redevables. On a pu reconnaître dans ce livre les fragments d’un Guide des Peintres dans le genre du fameux Manuel du Mont Athos. Deux parties sont traitées avec un grand luxe de détails : ce sont les plus touchantes,

  1. Ainsi, dans le récit de la Nativité, les Méditations omettent les deux sages-femmes qui, dans la tradition antérieure, un peu crue et matérielle, servaient de témoins à la virginité de Marie. On reconnaît là un sentiment évidemment plus fin, un progrès de délicatesse. Les « ventrières » ne reparaissent, surtout dans la peinture du Nord, que vers la moitié du XVe siècle (par exemple, Nativité du Maître de Flémalle, à Dijon). C’est là, comme l’a vu M. Mâle, un effet des « Mystères », et du besoin de multiplier les personnages et les rôles.
  2. Cf. Emile Roy, loc. cit. L’auteur montre aussi l’usage que Gréban et Michel ont fait, dans leurs Passions, des Postilles de Nicolas de Lire, également franciscain, et provincial de Bourgogne. Ce genre d’écrits n’est d’ailleurs pas le monopole des frères Mineurs. Voir la Vita Christi de Ludolphe le Chartreux, prieur dominicain de Strasbourg, et auteur présumé du Spéculum Humanae Salvationis. — En outre, toute cette matière, avant d’être jouée au théâtre, a été « parlée » du haut de la chaire. Voir chez M. Roy le sermon de saint Vincent Ferrier sur la Résurrection, sermon entièrement composé de deux chapitres des Méditations.