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l’Enfance et la Passion. Dans l’intervalle, il n’y a place que pour trois scènes : le Baptême du Christ, les Noces de Cana et la Résurrection de Lazare. Ce sont précisément les seules retenues par Giotto dans ses fresques de l’Arena.

J’ajourne pour l’instant la première partie. La dernière, consacrée au récit de la Passion, est celle dont je m’occuperai d’abord. C’est celle qui respire de la façon la plus vive le christianisme franciscain. Rien ne lui est plus spécial que cette importance hors de pair, cette prédilection accordée aux souffrances du Sauveur, et à la pire de toutes, sa Passion sur la croix. L’Église pendant de longs siècles a hésité, avec une sorte de pudeur, à rappeler au Sauveur le souvenir de ses épreuves. À Ravenne, le Christ ne porte pas sa croix : un bourreau s’en charge pour lui ; arrivé au Calvaire, l’artiste, par respect, saute la scène. Ce n’est qu’au IXe siècle que l’image du Crucifix a été couramment admise en Occident. Le « scandale de la Croix » n’a pas exigé moins de temps pour être digéré[1].

Et alors même que vous voyez, sur une mosaïque byzantine, sur une miniature ou un portail gothique, une scène qui offre l’apparence de la crucifixion, ne vous y trompez pas : l’Église ne raconte pas des faits, elle expose une idée ; elle ne représente pas un drame, mais un dogme. Elle ne cherche pas à toucher, elle enseigne. C’est d’elle que devrait être le mot : « Rien n’est plus méprisable qu’un fait. » Les choses sont réduites à un état tout schématique : trois personnages, parfois cinq, rarement sept. Le Christ au centre, la Vierge à droite, saint Jean à gauche, et quelquefois, de part et d’autre,

  1. Cf. Forrer et Mûller, Kreuz und Kreuzigung Christi in ihrer Kunstentwickelung, Strasbourg, 1894 ; Bréhier, Les origines du Crucifix dans l’art religieux, Paris, 1904.