Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/154

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force et le cloue. De même font-ils avec ses pieds, qu’ils distendent de toute la violence dont ils étaient capables[1].

Il n’y a pas une de ces phrases qu’on ne puisse illustrer par une fresque ou un tableau de Giotto ou de Gaddi, d’Orcagna ou d’Angelico ; c’est de là que dérivent toutes les Mises en croix, Érections de la croix, dans toutes les écoles, de Florence à Cologne et de Séville à Anvers. Ces mots ruissellent de peintures. Et il faudrait en dire autant pour la seconde partie du drame, la Descente de croix, la Déposition, la Lamentation au pied de la croix, l’Ensevelissement, la Mise au tombeau. — Beauté incomparable de la Lamentation de Giotto à Padoue ! Ingres, huit jours avant sa mort, dans son dernier dessin, y revenait encore. Tous ces motifs, et d’autres qui se dégageront plus tard, c’est-à-dire une des plus riches matières qui aient depuis cinq siècles exercé le génie des peintres, une suite innombrable de chefs-d’œuvre, une source inépuisable d’émotion et de pathétique, — de Giotto à Titien et de Raphaël à Rubens, — voilà ce que nous devons à un religieux, à un pauvre Cordelier dont on ne sait pas le nom.

Et j’aurais aimé à vous dire ce que l’art fit encore du thème de la croix. Autour de ce bois immortel, l’imagination enroula sa flore merveilleuse. Dans les églises franciscaines, à Santa Croce de Florence, à San Francesco d’Arezzo, dans les fresques d’Agnolo Gaddi et de Piero della Francesca, la légende de la croix tient une place importante. Rameau de l’arbre de Science, planté

  1. i Méditations, ch. lxxviii. Sur ces deux manières différentes de figurer la scène, cf. Roy, loc. cit. t. I, p. 91. C’est la seconde, la crucifixion « couchée », qui, on le sait, a prévalu. La première est encore courante dans l’école de Cavallini. Fresques dans l’église de Donna Regina (Clarisses), à Naples ; polyptyque de l’Académie de Venise (Venturi, loc. cit., t. V, p. 168) ; triptyque de la collection Street, à Londres (Reinach, Répert. des peintures du moyen âge, t. I, p. 14). La dernière représentation de ce motif se trouve chez Angelico, dans une cellule du couvent de Saint-Marc. Cf. Bertaux, L’Art relig. à la fin du moyen âge, Gaz. des Beaux-Arts, août 1909.