Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/185

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sont d’origine augustinienne[1]. En effet, ce sont les Augustins, les moines de Saint-Victor, c’est le poème d’Alain de Lille qui, à la fin du XIIe siècle, longtemps avant les Mendiants, ont popularisé ces vieilles allégories. Les descendants des vieilles familles monastiques protestent, on le comprend, devant les empiétements et les usurpations de ces nouveaux-venus. Vaines réclamations ! L’histoire se rit du droit d’aînesse. Les titres de priorité n’offrent qu’un intérêt purement académique. L’invention en art est un mérite secondaire. Les inventeurs courent les rues. Ce qui est rare, c’est le génie qui découvre et rend viables les inventions des autres. Les idées sont à tout le monde. Cette matière passe sans cesse dans les rêves d’une multitude de cerveaux qui l’agitent. Un dernier la reçoit, profite du travail accompli, lui impose sa forme et lui donne son nom. La mémoire populaire ne connaît pas les précurseurs. Simplificateur par essence, le génie de la foule fabrique instinctivement des types. Il résume dans les traits collectifs d’un héros vingt essais antérieurs. Son procédé est celui de l’art, qui ne prête qu’aux riches et applique sans le savoir la terrible maxime : « On donnera à celui qui a, et celui qui n’a rien, on lui ôtera même ce qu’il a ».

  1. L. Dorez, Le canzone delle Virtu e delle Scienze di Bartolomeo di Bartolo da Bologna, Bergame, 1904.

    Un troisième manuscrit semblable (Ital., n° 112) est à la Bibliothèque Nationale. Schlosser (loc. cit., p. 13 et suiv.) en signale deux autres en Italie. Le manuscrit de l’Ambrosienne est de 1354 ; celui du musée Condé est au plus tard de l’année suivante : il est dédié à Bruzio Visconti, qui fut, cette année même, expulsé de Bologne. Tous deux sont antérieurs aux fresques de la chapelle des Espagnols. L’auteur des peintures est cet André de Bologne, qui a peint à Assise en 1368 les fresques de la chapelle Albornoz. L’origine des manuscrits ne saurait faire un doute ; tous les textes cités sont de saint Augustin. On sent le dessein évident de lutter contre la concurrence nouvelle de saint Thomas. M. Dorez n’a pas remarqué que c’est le moment même de son apothéose, l’époque de la translation de ses reliques de Fossanova à Toulouse (1369) interminable affaire dont les négociations durèrent près de vingt ans. Lire toute cette comédie dans Mortier, Hist. des Maîtres Généraux, t. III, p. 420 et suiv.