Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/187

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l’arche d’un portique, n’est plus qu’un point de vue, une baie ouverte sur la nature. L’union s’opère ailleurs, sur les cimes du rêve et de la poésie…

La fresque qui fait face à l’allégorie des sciences représente les mêmes idées, mais cette fois en action ; elles passent de l’état statique au mouvement et à la vie. Au lieu d’une Pentecôte, d’une illumination idéale et sereine, la scène se passe au-dessous de la Navicella : la tempête se communique et ondoie de proche en proche. C’est le tableau des orages et des agitations du monde. Tout se charge d’incidents, de personnages et de circonstances. Une foule d’épisodes brode et varie à l’infini un immense paysage tendu comme une tapisserie, et dont la ligne horizontale passe en l’air à peu près aux deux tiers de la muraille. On voit à l’œuvre l’armée active des Prêcheurs. Ici, devant l’immense église qui encadre les différents ordres de la société chrétienne, pape, empereur, rois, comtes, évêques, moines, bourgeois, manants, ils font sentinelle et veillent sur le repos des ouailles endormies confiantes aux pieds de leurs pasteurs ; là, par un jeu de mots compris de tout le monde, on les voit, sous la forme de chiens de garde tachetés de noir et de blanc, donner la chasse aux mécréants, figurés par des loups. Plus loin, le soldat de Dieu, s’avançant seul et désarmé au-devant des infidèles, discute avec un groupe de rabbins et d’imans et, comptant sur ses doigts, comme pour établir la majeure d’un syllogisme, il les confond d’abord par la force de la controverse et la lumière de la raison : puis, déployant le volume des saintes Écritures, il les éblouit et les rassure par l’éclat de la révélation, tandis que les uns tombent à genoux et adorent, que d’autres font un autodafé de leurs livres mis en pièces, et que les derniers, se bouchant les yeux et les oreilles, se dispersent, pareils à des oiseaux de nuit, devant la splen-