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Ces petits ouvrages de propagande, qui pullulent et partent en rangs serrés de chaque couvent, ont une haute importance. Pendant deux siècles, ils ont dicté l’iconographie religieuse, — l’iconographie, non pas l’art, deux choses qu’il ne faut pas confondre[1]. Mais, dans la mesure où le sujet importe aux arts plastiques, ce sont des sources qu’il est impossible de négliger. Verrières, sculptures, tableaux, tapisseries, s’en inspirent. Parfois le peintre a le volume dans sa bibliothèque. Dans les cas compliqués, par exemple quand il s’agit d’une série de tentures comprenant une grande variété de tableaux, on procède de la façon suivante :


    dans l’esprit du Speculum Humanae Salvationis, et qui lui a servi de modèle. Chaque fait de l’Évangile est rapproché de deux de ses « figures » bibliques. Un commentaire prophétique est joint à chaque scène. L’idée remonte d’ailleurs à un poème du xiie siècle, l’Aurora de Pierre de Riga (Guibert, Les Origines de la Bible des Pauvres, dans la Revue des Bibliothèques, 1905, p. 316).

    Il existe de cet ouvrage un grand nombre d’« éditions » illustrées (manuscrites ou imprimées). Mais la vraie « Bible des pauvres » est l’édition à bon marché, petit cahier sans images, ne comprenant que le texte, le canevas scripturaire du livre. C’est évidemment le livret destiné au petit public, à la pauvre jeunesse savante, au prolétariat de la cléricature, à tout ce que le pays latin compte d’intellectuels maigres et faméliques. On fit des Aristotes, des Justiniens abrégés, une Philosophie, un Dictionnaire des pauvres. Ce dernier ouvrage est du dominicain Nicolas de Biard. Lecoy de la Marche, la Chaire française au moyen âge, p. 135, 523 ; Perdrizet, loc. cit., p. 126 et suiv.

  1. Une des formes que prend alors l’enseignement, ce fut celle des « arbres », des tableaux, des graphiques. On adapte à l’usage des classes la vision de l’arbre de Jessé. Cf. Lebeuf, Dissertations sur l’histoire ecclésiastique de Paris, t. II, p. 133.

    J’ai parlé ailleurs des Arbres de la Croix. C’est surtout dans les manuscrits qu’on rencontre ce genre d’images. M. Mâle signale (B. N. franç. 9220 ; Ars. 1037) deux « Arbres » des Vertus et des Vices. Le manuscrit de Chantilly publié par Dorez fait un grand usage de ce schéma. L’exemple le plus complet est celui du manuscrit, B. N. lat. 10.630, qui comprend cinq « arbres » différents, d’après les Gesta Britonum du dominicain mystérieux (Frà Luca Manelli ?) qui fut l’archevêque de Sira. Cf. Dorez, loc. cit., p. 57, 103.

    Wood-Brown (loc. cit., p. 164) décrit l’« arbre dominicain » de Sainte-Marie-Nouvelle. Il y en a un autre d’Angelico au chapitre du couvent de Saint-Marc. D’autres fois, on se sert aussi de cercles concentriques, comme ceux de la sphère armillaire ou de la roue d’Ezéchiel (tableau d’Angelico à l’Académie des Beaux-Arts). Rien n’est plus curieux pour l’iconographie. Mais ce n’est pas plus de l’art que n’en est un tableau des divisions monétaires ou du système métrique.