Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/203

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Elle apparaît sur les plus vieux évangéliaires alexandrins ou syriaques. Elle se retrouve régulièrement sur la façade occidentale des églises romanes ou gothiques, au portail que les cathédrales offrent au soleil couchant, et qui verra saigner, dans un cataclysme tragique, le crépuscule du dernier jour.

Les Mendiants ne sont pour rien dans ces imageries classiques du christianisme. Notez seulement le Cordelier reconnaissable à son cordon, en tête du cortège des élus, à partir du moment où l’Ordre se répand en Europe.

Une peinture qui se rattache plus sûrement à leur influence, et qui au xive siècle se montre dans beaucoup de leurs églises, est celle du Paradis et surtout de l’Enfer. On a coutume d’y voir un reflet du poème de Dante : c’est une erreur. Une seule de ces fresques, l’Enfer des frères Orcagna à Sainte-Marie-Nouvelle, en offre des réminiscences. C’est la savante topographie dantesque de l’Erèbe, les bolge du poète, sa géographie de l’invisible, sa mythologie, ses centaures, ses harpies, ses sirènes. Ces conceptions érudites sont tout à fait exceptionnelles. Presque toujours, on s’en tient à des formules plus populaires. Ajoutez que le poème de Dante n’est lui-même que l’expression littéraire d’une foule de récits qui venaient alors de l’autre monde : vingt personnes avaient fait cette exploration infernale, et revenaient avec des visions d’outre-tombe. Sans parler de saint Brandan, du purgatoire de saint Patrice, n’y avait-il pas eu cette Christine l’Admirable, morte et ressuscitée deux fois pendant sa vie, et dont les relations merveilleuses faisaient rêver bien des têtes ?[1] Ces nou-

  1. Elle mourut pour la dernière fois en 1224. Sa vie extraordinaire a été écrite, en quatre livres, par Thomas de Cantimpré, Acta Sanctorum, juillet, t. V, p. 650-660. Cf. Hist. Litt. de la France, t. XIX, p. 177 et suiv. ; Gorres, Mystique divine, trad. Sainte-Foy, t. II, p. 293.