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Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/207

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côtés, vivement réveillé l’ardeur cénobitique. C’est le temps où chaque ville possède sa recluse, l’emmurée volontaire qui, derrière son guichet, reçoit les aumônes de chacun et passe pour une voyante[1] ; c’est le temps où il n’est pas rare de voir arriver un ermite. Sur une place, avec son maillet, il fiche en terre son piquet, rivé par une chaîne à ses reins, et demeure là huit jours, dans un rayon de quatre pieds, édifiant les passants par ses pieux exercices ; après quoi il arrache son pieu, roule sa chaîne et s’en va recommencer ailleurs[2]. Et n’est-ce pas le siècle où le conclave, ne pouvant aboutir, se décide à aller quérir dans sa retraite des Abruzzes un pauvre solitaire, Pier dal Murrone ? L’entrée de ce pape dans Aquila, sous les traits d’un vieil homme en larmes, cheminant sur un âne mené en bride par deux rois, voilà une scène qui fait comprendre la peinture de l’artiste pisan[3] Le monde, comme un Liban, distille le miel de la solitude, et la terre, comme aux temps de Paphnuce et de Jérôme, se repeuple d’anachorètes.

Un des saints de la Thébaïde est le héros de la scène complexe qu’il me reste à vous peindre. À gauche, dans un paysage montueux et boisé, s’ouvre une gorge étroite où s’engage une cavalcade : un roi, une reine, un empereur, toute une chasse étincelante, faucons au poing, la meute en laisse, passe en habits galants, chaperons de fantaisie, manches tailladées en crête de coq, comme

  1. Cf. Basedow. Die Inclusen in Deutschland, Heidelberg, 1895 ; Perdrizet, La Vierge de Miséricorde, 1908, p. 33 ; Pidoux, Sainte Colette, p. 40.
  2. Gautier Mapes, De nugis curialium, éd. Brewer, Londres, 1850, p. 66. Etienne de Bourbon, Anecdotes, p. 293. De même Celano, sur les commencements de la pénitence d’Assise : « Aliqui se instrumentis ferreis circumdabant, aliqui vero ligneis ergastulis se cingebant. » Ce dernier texte est mal interprété par Michelet (Hist. de France, t. II, Saint François d’Assise). Cf. Mandonnet, loc. cit., p. 11.
  3. Gregorovius, Storia della città di Roma, Venise, 1874, t. V, p. 592 ; Gebhart, Italie mystique, 3e édit., 1899, p. 264 ; Dante, Inferno, III, v. 58-60.