Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/238

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invention terrible. Paris, même à ses champs de mort, communique quelque chose du furieux tumulte qui entrechoque ses vivants.

C’était un vaste enclos ceint d’un portique à arcades, à l’endroit appelé Champeaux, sur l’emplacement actuel des Halles[1]. La terre grasse et fraîche regorgeait. Trente paroisses, l’Hôtel-Dieu déchargeaient là leurs morts. Aussi on n’y reposait guère. La logeuse de céans, sinistrement égalitaire, ne laissait pas ses hôtes faire tranquillement de vieux os. Personne n’était propriétaire. On offrait à tous la même indistincte et rapide hospitalité, moitié auberge, moitié voirie : ce sol vorace et actif en neuf jours nettoyait un homme, vous rendait un squelette[2]. Il n’y avait même pas de bail au delà de quelques années. Le terme échu, on donnait congé au défunt, on vendait le marbre de sa dalle, on changeait l’écriteau et on faisait place à un autre. Ainsi se bousculait l’immense cohue des ombres ; c’était, dans la mort même, le mouvement perpétuel. Venait pourtant le grand sommeil. Les ossements exhumés s’entassaient au premier étage dans des greniers, des galetas, d’où ils ne bougeaient plus que par le mouvement insensible qui les réduisait en poussière : c’était le charnier.

Ce prodigieux pourrissoir était un endroit louche, inquiétant, suspect. La vie y coudoyait la mort dans une violente promiscuité. Ces galeries funèbres étaient un des promenoirs favoris des flâneurs. Jusqu’à la Régence, on y fît les métiers que recueillit alors le Palais-Royal. Les

    moindre rapport avec notre sujet. Une face du tableau représente le Monde ou la Chair : en le retournant, on voit la Mort. — Quant à la fresque du couvent de Klingenthal, à Bâle, au lieu de 1312, c’est 1512 qu’il faut lire ; et cette date est celle d’une restauration. L’ouvrage fut exécuté vers 1437.

  1. Dufour, loc. cit.
  2. Corrozet, Antiquités de Paris, 1550, p. 62 ; — Sauval, Antiquités de Paris, 1724, t. I, p. 359.