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Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/248

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alphabet : dans ce livre funèbre l’enfance épelait la vie.

Chose étrange ! Ce siècle, qui est celui de la Renaissance, est triste. Une terreur s’élève à l’approche des temps nouveaux. Il semble que le moyen âge ait de la peine à finir, ou que l’enfantement d’un monde lui coûte des douleurs trop fortes. Jamais le trouble des âmes ne fut plus grand et plus profond. À deux ans du règne de Jules II, Dürer fait des rêves sinistres. Au lieu d’un commencement, il s’attend à la fin de tout. Il grave son Apocalypse[1]. Ainsi passa le moyen âge, avec un cri d’effroi, dans le cauchemar de l’avenir. Qui dira que ses craintes avaient tout à fait tort, et que l’homme de nos jours, avec tout son progrès, n’ait rien à regretter de la religieuse poésie qui rendait le dernier soupir ?




    entra dans l’imagerie des Livres d’Heures. Cf. Lacombe, Les Livres d’Heures imprimés du XVe et du XVIe siècles, 1907. Il est certain que ces vignettes offrent des rapports frappants avec les merveilleuses gravures du maître allemand, et qu’un de nos Livres d’Heures a très bien pu tomber entre les mains de celui-ci. Mais qui sait si vignettes et gravures d’Holbein ne dérivent pas d’un original commun, qui serait la Danse du Klingenthal ? C’est ce que soutient M. Gœtte par des arguments très serrés.

  1. En 1498. Voir dans l’Art de bien vivre et de bien mourir, de Vérard, les Quinze signes de la fin du monde. Ces petites vignettes effrayantes se retrouvent, comme la Danse macabre, le Dit des Trois morts et des trois vifs, dans les marges des Livres d’Heures. Aux mains des femmes, comme elles secouaient l’imagination ! Quelle épouvante naissait de cette légende des temps futurs ! — Sur cette vague inquiétude, ces alarmes (prodiges, comètes, guerres, « mutacions de fortune »), cf. la Jeanne d’Arc de M. Gabriel Hanotaux, p. 130 et suiv. ; curiosités pour almanachs, monstruosités naturelles, « phénomènes », tératologie, sentiment que la vie se dérègle, que le monde se désorganise et menace de craquer : Thausing, Dürer, trad. franç., 1878, p. 385. Dürers Briefe und Tagebücher, Vienne, 1872, p. 135 ; — Ephrussi, Albert Dürer et ses dessins, 1882, p. 381 ; — Dürer, Klassiker der Kunst, t. IV, 1904 p. 94. Jamais il n’y eut au monde telle angoisse, telle pesante impression de mystère.