Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/256

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tuelles, les corps de métiers, d’artisans, à côté de leur objet précis, l’organisation du travail, avaient quelque chose de sacré, de profondément chrétien. Ces ruches si actives, ces ghildes, ces arti, s’appellent encore des « amitiés »[1]. Tout y respire l’accord, le rythme, la douceur du labeur en commun. Tout y chante la parole du psaume : « Quam jucundum fratres habitare in unum », quoi de meilleur pour des frères que de vivre et de travailler ensemble ?

Certes, à l’heure où nous sommes, quand nous considérons la vie de ces vieux âges, nous avons de quoi nous humilier. Je ne veux pas savoir si l’institution vieillissante n’était pas devenue gênante, routinière, vexatoire : quels qu’aient pu être les abus des corporations dégénérées, que sont-ils en comparaison du monstrueux isolement où la société moderne laisse l’individu, sous prétexte de l’affranchir ? C’est alors que les lois féroces de la concurrence pèsent de tout leur poids, livrent le faible à l’égoïsme, à la rapacité des forts ! Ce qui n’est plus pour nous qu’une chimère et qu’un mythe, cette solidarité humaine dont on nous leurre, au moyen âge était une réalité : jamais l’homme ne fut moins seul. Loin de briser le lien social, jamais le moyen âge ne l’estimait assez puissant, — y voyant moins une contrainte qu’une condition pour vaincre la tyrannie de la

    honnerance de Sainte Yglise ». Livre des métiers d’Etienne Boileau (1268) éd. Lespinasse, 1879. « Nous sommes, par la grâce de Dieu, ceux qui manifestent aux illettrés les choses merveilleuses opérées par la foi ». Statuts des peintres de Sienne, 1355. Milanesi, Documenti per la sioria dell’ arte senese, Florence, 185, t. I. — Une des plus importantes industries de Florence, l’Arte della Lana, fut fondée par les Humiliates « Reversi qui fuerant exules quilibet in domo sua familiam suam induxit in eamdem devotionem, uxoribus reddendo debitum ; et ne in otio essent, mercatores et lanae laboratores esse constituerunt » Tiraboschi, Vet. Humiliat. Monumenta, Milan 1766, t. I, p. 26-27. Le réformateur dominicain, Jean de Dominici, était d’une famille de l’Arte della Lana. Cochin, Le Bienheureux Angelico, p. 54.

  1. Ducange, au mot Amicitia. Michelet, Hist. de France, t. V, 1841, p. 315.