Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/258

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Mais là ne se bornait pas le rôle des confréries. Elles cumulaient les services d’une société de secours mutuels, d’un bureau de bienfaisance, d’une compagnie de pompes funèbres. Elles dotaient les filles pauvres. Elles visitaient les malades. Elles entretenaient un médecin pour les soins gratuits à donner aux frères indigents. Enfin, quand les remèdes deviennent inutiles, la société n’abandonne pas celui qu’elle a été impuissante à sauver. — Contraste singulier ! Je vous parlais l’autre jour de la danse macabre, de cette ronde qui marie, comme les couples d’une noce, les vivants et les morts, aux sons aigres du crincrin d’un ménétrier infernal. Je vous disais ce qu’une dérision si atroce a pour nous de cruel et presque de révoltant. Mais ce n’est pas la mort qui est ici en cause : c’est l’orgueil de notre poussière que le cadavre vient rabattre ; c’est la vie que le vieux capitaine se charge de mettre au pas. Tel est le sens de cette Carmagnole, de ce pieux Ça ira. C’est pour l’hygiène des vivants que l’Église institue ce tréteau de la mort : ce rire de fossoyeur ne rudoie que notre superbe et vaniteux néant.

Le moyen âge a eu de la mort le respect le plus exquis. Ce temps, que l’on croit grossier, a connu le raffinement de la délicatesse. Il trouve, pour désigner ceux qui ne vivent plus, ce sourd murmure, ce soupir : les défunts. Ce n’est pas lui qui eût souffert cette chose scandaleuse, la majesté funèbre déshonorée par l’industrie, la douleur tarifée, la mort devenue un objet de lucre et de spéculation ! Le frère était veillé et pleuré par ses frères. Quand venait le moment de lui rendre les derniers devoirs, on ne s’en

    par Boccati da Camerino (Broussolle, Jeunesse du Pérugin, fig. 31 ; — Reinach, Répertoire, t. I, p. 272) ; Madone siennoise du musée de Cherbourg (Perdrizet, Vierge de miséricorde, Pl. III) ; retable de Simone da Cusighe (1394) à l’Académie de Venise (Perdrizet, ibid., Pi. X) : panneau italien (fragment) du musée Condé, provenant de l’atelier d’Ingres, montrant deux pénitents en sac et les épaules en sang (Gruyer, La peinture au musée de Chantilly, Ecoles étrangères, 1896, p. 19).