Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/259

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remettait pas aux soins d’un mercenaire indifférent ; des mains amies cousaient ses restes dans le linceul. Les mêmes fantômes, voilés sous leurs cagoules de deuil, portaient sur leurs épaules le corps à sa dernière demeure. Des honneurs égaux attendaient et le riche et le pauvre[1] ; et peut-être les spectres fraternels, sous leurs capuchons anonymes, se faisaient seulement plus doux et plus courtois pour le pauvre que pour le riche.

L’Italie, réfractaire à l’esprit administratif, a conservé ces mœurs ; on y voit encore, à nuit close, à la lueur des torches, les mystérieux porteurs agitant la clochette plaintive des trépassés, courir sous leur fardeau lugubre, dans l’attitude qu’éternise l’artiste de génie qui sculpta le monument de Philippe Pot[2], au Louvre. D’ailleurs, ces confréries n’étaient jamais vulgaires. Sur tout ce qui leur appartenait, le moyen âge répand un peu de sa poésie. Le Bigallo de Florence, le Palais de justice d’Arezzo, ces deux bijoux de grâce et de goût, sont des chapelles de confréries. Leurs bannières, leurs croix de processions, la perche au bout de laquelle on logeait la

  1. Cf. Rostan, Un établissement du moyen âge à Saint-Maximin : confrérie de Notre-Dame d’Espérance et de Miséricorde, dite Notre-Dame des Grands Cierges, Draguignan, 1869. Une taxe était perçue à l’enterrement des personnes riches, proportionnée au nombre des cierges allumés au convoi. Cet argent servait à l’entretien et au convoi gratuit des pauvres.
  2. Vers 1480. Cf. Courajod, Leçons de l’École du Louvre, t. II, p. 387. Ces « pleurants » des tombes bourguignonnes (tombeau de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur, à Dijon ; ancien tombeau du duc de Berry à Bourges, etc.), représentent la famille du mort, sa gens, le cortège de sa maison qui l’accompagnait le jour de ses funérailles. Cf. Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, t. III, p. 93 ; Reinach, Le manuscrit des chroniques de Froissart à Breslau, Gazette des Beaux-Arts, 1905, t. I, p. 386 (funérailles de Richard II, reproduit dans Apollo, 1904, p. 9) ; — Kleinclausz, Claus Sluter, 1905, p. 86, 101 et suiv. — L’œuvre la plus grandiose qu’ait inspirée le thème, est l’étonnant tombeau de l’empereur Maximilien, aux Cordeliers d’Innsbruck (1513) : vingt-huit colosses de bronze, chevaliers, paladins, l’épée au poing, le heaume en tête, montent la garde autour du César : héroïque veillée, qui fait songer à quelque scène légendaire d’Eviradnus. Cf. Schönherr, Geschichte des Grabmals Kaiser Maximilians, Jahrb. der Osterr. Kunstsamml., t. XI, 1890 ; Louis Réau, Peter Visler, 1909, p. 131.