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IV


J’ai hâte d’arriver à la grande protectrice, à la grande idée de ce temps, à sa plus chère pensée, la Vierge.

Elle était, depuis toujours, la patronne de choix, la reine, l’élue des confréries. Toutes se groupaient sous son manteau. Combien de tableaux, de bas-reliefs, la représentent ainsi, abritant une famille confiante comme une poule couve ses poussins ? Le maternel refuge s’ouvrait de plus en plus vaste : fait d’abord pour un seul couvent[1], il finit par comprendre l’humanité entière assemblée à son ombre[2]. Quand la grande Vierge bleue était peinte sur une bannière, le souffle de la brise qui balançait la toile imprimait à son geste le mouvement d’une aile[3].

La Mater omnium devint le type même de la Vierge des confréries. Sous ses bras se blottissent des villes et des contrées. Les carreaux de la peste viennent se briser sur son manteau. Ils rebondissent comme fait la grêle sur un toit et retournent inutiles dans la droite qui les lance. La Vierge s’interpose entre la terre coupable et la colère divine. Il suffit de son apparition pour désar-

  1. De l’ordre de Citeaux. La vision de la Vierge au manteau se rencontre pour la première fois chez Césaire d’Heisterbach, Dialogus miraculorum, VII, 58. Cf. Léon Silvy, L’origine de la Vierge de Miséricorde, Gazette des Beaux-Arts, novembre 1905 ; — Krebs, Maria mit dem Schutzmantel (Freiburger Munsterblätter, fascic. I, 1905) ; et le travail souvent cité de M. Perdrizet, 1908.
  2. Tableau siennois du musée de Cherbourg ; statue en pierre de la cathédrale de Fribourg ; retable des Cadart, par Enguerrand Charonton, au musée de Chantilly ; tableau du musée du Puy, etc. Les exemples de la Mater omnium sont innombrables.
  3. Bannières de Bonfigli à Santa Maria Nuova (1472) et à S. Francesco, à Pérouse ; autres à Montone (1482), à Corciano, etc. Sur les bannières dans l’art ombrien, Cf. Rio, L’Art chrétien, 2° édit., 1861, t. II, p. 211.