Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/301

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proportions[1]. C’est tout le charme du quattrocento florentin, — ce qui se rapproche le plus de la simplicité attique.

On ne se lasse pas d’errer dans ces cloîtres spacieux, d’évoquer les figures qui les peuplèrent autrefois : le bienheureux Dominici, le bienheureux Albergati, le grand archevêque saint Antonin, tous trois amis d’Angelico et religieux de ce couvent ; le pape Eugène IV, qui en posa la première pierre ; Cosme de Médicis, qui venait de temps à autre y faire une retraite, à portée de sa bibliothèque. On va lire dans l’église les épitaphes de Politien et de Pic de la Mirandole, qui voulurent être enterrés là, en habits de Dominicains ; on stationne devant les peintures du cloître ou des cellules, ou l’on s’en va rêver devant le rosier de Damas sous lequel Savonarole aimait à se recueillir. On admire tant de souvenirs accumulés dans un seul lieu, ce riche amalgame d’idées et de tendances diverses, de grands saints et de grands lettrés, de mystiques et d’humanistes, — mélange unique et que put seul produire, pour une heure, ce moment mémorable de l’histoire de l’esprit humain.

Car ces éléments trop contraires devaient fatalement entrer en lutte. Le principe religieux représenté par les Mendiants ne pouvait, en effet, se comporter partout d’une manière uniforme. Tandis qu’il se développe dans le Nord en toute liberté, il rencontrait en Italie un obstacle imprévu. Il se trouvait en face d’une situation nouvelle, d’où allaient naître pour lui de sérieuses difficultés. Quelle attitude les Mendiants allaient-ils adopter à l’égard de la Renaissance ? Allaient-ils la traiter en amie ou en ennemie ? Tenteraient-ils de l’absorber ou de

  1. Burckhardt, le Cicérone, trad. Gérard, 1892, t. II, p. 91 ; — Marcel Reymond, la Sculpture florentine, Florence, 1898, t. II, p. 159 ; — Cochin, loc. cit., p. 196.