Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/308

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C’est que le ciel est pour lui une réalité, et même la seule qu’il connaisse. Elle est présente pour lui dans la nature de ses organes et de ses sensations. C’était un œil de peintre, mais construit de telle sorte que rien de lourd, d’opaque et de grossier n’entrait dans son rayon. Il ne saisissait du réel que les éléments les plus purs. Dans les formes, il n’était sensible qu’à la beauté. Il n’idéalise rien, il ne transforme rien ; il peint ce qu’il voit, comme il voit. Mais il ne voit que les côtés délicats de la vie ; la nature ne lui fournit que des motifs d’actions de grâces. Et je ne sais, cette réserve faite, si personne a joui avec plus de raffinement de tout ce que la terre offre de délicieux.

Personne a-t-il goûté comme lui le charme de la fleur et celui de la femme ? Comme le détachement, comme l’éloignement de tout contact charnel ont ici bien servi le poète et l’artiste ! Quel peintre rêva jamais apparition plus pudique que celle de la virginale Annunziata, la bachelette exquise de la fresque de Saint-Marc ? Qui a imaginé un geste plus maternel que celui de la Madone confiant son fils à Siméon, et dont les mains inquiètes s’avancent en tremblant comme pour le soutenir encore ? Où trouver, fût-ce chez Raphaël, un groupe féminin plus jeune et plus charmant que celui des chrétiennes assises que catéchise saint Étienne, à la chapelle de Nicolas V ? Ce cœur pur, vraiment circoncis, n’avait plus rien à craindre ; pour lui la nature est sans pièges ; il en déjoue les ruses par sa simplicité. Délivré de toute convoitise, de tout désir profane, il peut jouir de toute créature comme d’une belle œuvre de l’artiste suprême. Quel besoin de cueillir la rose pour goûter le parfum ? Ainsi considéré, tout être devient une louange vivante : Angelico n’est jamais las d’épeler ce Magnificat. Ce qui brille, ce qui plaît, ce qui caresse les regards, les dehors les