Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/329

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aussi le sien. Comme document, comme trait de mœurs, l’un vaut l’autre. — Reste la question des œuvres d’art proprement dites : et rien ne servirait de vouloir l’atténuer. Nous savons que quantité de bustes, des merveilles antiques, des manuscrits à miniatures, des exemplaires uniques, flambèrent dans ces feux de joie. Les artistes, Botticelli, Baccio della Porta, pris d’une sorte de frénésie mystique, apportèrent eux-mêmes au bûcher leurs études, leurs académies, leurs œuvres les plus intimes et les plus précieuses. Il y eut là certainement une perte irréparable ; et l’on est tenté de pleurer la sauvagerie aveugle de cet accès de vandalisme.

Les apologistes de Savonarole prennent des soins infinis pour laver de ce reproche le prieur de Saint-Marc. Ils citent les passages où le grand orateur parle de l’art et du beau ; ils recueillent les traits épars de sa doctrine. Ils n’ont pas de peine à montrer que le moine, comme un poète qu’il était, nerveux et impressionnable, était sensible aussi à une certaine beauté ; ils font remarquer que ses recrues les plus célèbres, ses conversions les plus fidèles comme les plus éclatantes, ont été des artistes.

Les figures représentées dans les églises sont les livres des enfants et des femmes. Il faudrait donc avoir plus de scrupules que les païens. Les Égyptiens ne laissaient peindre nulle indécence. On devrait d’abord enlever les figures déshonnêtes, et ensuite ne pas admettre des compositions qui provoquent le rire par leur médiocrité. Il faudrait que, dans les églises, les maîtres distingués peignissent seuls, et qu’ils représentassent uniquement des choses honnêtes[1].

« Ce ne sont pas là, s’écrie-t-on, les paroles d’un iconoclaste ! » Mais c’est changer la nature et la portée de

  1. Sermons sur Ezéchiel