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Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/334

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la terre eût pressenti le Christ, qu’elle eût contribué tout entière à l’enfantement du salut.

Alors se répandit une légende singulière. On rapportait que l’Empereur Auguste s’inquiétait de savoir si son empire était durable. La Sibylle consultée lui répondit que oui, à condition qu’il reconnût un plus grand que lui qui devait venir. Auguste désira connaître son successeur, La pythie le mena près de la colline du Capitole et lui montra dans le ciel, à côté du soleil, un météore dans le cercle duquel apparaissait une jeune femme qui tenait un enfant. En même temps, une voix fit entendre ces mots : « Haec est Ara Cœli, voici le temple futur. » Et César, ployant le genou, adora Jésus-Christ[1].

Cette légende acquit au xve siècle une extrême popularité. Le fait s’explique facilement, l’Ara Cœli étant à Rome le quartier général de l’ordre franciscain[2]. Mais l’idée reçut bientôt des accroissements nouveaux. D’un vieux livre de Lactance, le dominicain Barbieri exhuma

    à Jean de Paris De probatione fidei christianae per auctoritatem paganorum, est signalé par M. Mâle, dans un manuscrit de l’Arsenal (n° 78), copié par un Italien entre 1474 et 1477. L’Art religieux à la fin du moyen âge, p. 268.

  1. La légende de la Sibylle de Tibur se rencontre pour la première fois dans les vieux « guides » de Rome, la Graphia aurea urbis Romae ou dans les Mirabilia Romae, auxquels l’ont empruntée les écrivains postérieurs, Godefroy de Viterbe (1184), Gervais de Tilbury (1214) etc. Dès la fin du xiie siècle, l’art italien avait représenté cette scène, que les artistes du Nord ne connurent que beaucoup plus tard. (Devant d’autel de marbre, autrefois à l’Ara Cœli ; reproduit dans Muratori, Antiq. italic. t. III, p. 880). Cf. Ozanam, Documents inédits pour servir à l’histoire littéraire de l’Italie, 1850, p. 165 ; Parthey, Mirabilia, p. 33 ; Monum. Germ. Script., t. XXII, p. 68 et 443 ; Graf, Roma nella memoria del medio evo, Turin, 1882, t. I, p. 309 et suiv. ; Mâle, Quomodo Sibyllas recentiores artifices repraesentaverint, 1899, p. 19.
  2. L’entrevue d’Octave et de la Sibylle fut surtout popularisée, dans les pays du Nord, par le Speculum Humanae Salvationis (chap. viii, v. 85 et suiv.), où elle sert de « figure » à la Nativité : voir les Très Riches Heures de Chantilly, le Van Eyck de la collection Helleputte, le triptyque Bladelin par Rogier van der Weyden, etc. — M. Perdrizet montre que la « source » du Speculum est ici la chronique du dominicain polonais, Martin de Troppau. Étude sur le Speculum, p. 59-60.