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Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/387

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tournoyant, cet air de lyrisme et d’ivresse, avec lequel leurs formes s’enflent comme des draperies gonflées par un grand vent ; j’aime jusqu’à cet effort, le plus puissant qu’on ait tenté pour animer la pierre et lui faire exprimer le mouvement et la passion. J’aime l’intimité de leurs ombres intérieures, le charme invitant de leurs courbes, la paix rassurante qui tombe en cercle de leurs coupoles ; j’aime dans leur demi-jour, tout ce qui flotte d’atomes brillants, le vague rayonnement des ors, le miroitement des marbres et le lustre des stucs, les parcelles lumineuses qui circulent dans l’atmosphère, leurs gloires peintes à fresque dans la hauteur des voûtes, leurs anges féminins posés sur les corniches. On est moins disposé à croire les détracteurs, après qu’on s’est une fois laissé aller à la poésie de ce style ; on doute des objections qu’on lui fait, quand on sait que telle de ses formes les plus contestées, comme les colonnes torses du baldaquin de Saint-Pierre, est un emprunt fait à l’« antique» (emprunt dont Raphaël, et déjà les Cosmates, avaient donné l’exemple) ; et enfin, ces églises baroques, avec leur faste tant de fois noté de charlatanisme, on les trouve vraiment pieuses, quand on songe qu’elles sont la demeure des pauvres, et qu’on a vu des gueux, traînant sur ces richesses leurs sordides haillons, se bercer là dans des prières qui leur ouvrent le Paradis.

Et il en est de même pour vingt fautes de goût qu’on reproche aux Jésuites : on donne sur leur joue un soufflet aux Mendiants. S’il y a un trait critiqué chez le Bernin, c’est le squelette qu’il n’a pas craint d’installer, à Saint-Pierre, sur deux tombeaux de papes[1] : mais ce

  1. Cf. Burckhardt, loc. cit., p. 480 ; Courajod, Leçons, t. III, p. 173 ; Fraschetti, Il Bernini, Milan, 1900 ; Marcel Reymond, Le Bernin, 1910, p. 77 ; P. Alfassa, Le Bernin dans la Revue de l’Art, février-mars 1911. — Cf. encore, à S. Lorenzo in Damaso, l’affreux squelette ailé flottant sur un drap noir, et