Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/400

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de cette scène merveilleuse[1]. Je citerai ici une page du même auteur, sur un autre tableau franciscain de Rubens, jadis aux Récollets de Gand, aujourd’hui au musée de Bruxelles. Vous y reconnaîtrez une version nouvelle d’une vieille légende que je vous ai rapportée[2].

La terre est en proie aux vices et aux crimes, incendies, assassinats, violences ; on a l’idée des perversités humaines par un coin de paysage animé, comme Rubens seul sait les peindre. Le Christ paraît armé de foudres, moitié volant, moitié marchant ; et tandis qu’il s’apprête à punir ce monde abominable, un pauvre moine, dans sa robe de bure, demande grâce et couvre de ses deux bras une sphère azurée autour de laquelle est enroulé le serpent. Est-ce assez de la prière du saint ? Non. Aussi la Vierge, une grande femme en robe de veuve, se jette au-devant du Christ et l’arrête. Elle n’implore, ni ne prie, ni ne commande ; elle est devant son Dieu, mais elle parle à son fils. Elle écarte sa robe noire, découvre en plein sa large poitrine immaculée, y met la main et la montre à celui qu’elle a nourri. L’apostrophe est irrésistible… Ni au théâtre, ni à la tribune, et l’on se souvient de l’un et de l’autre devant ce tableau, je ne crois pas qu’on ait trouvé beaucoup d’effets pathétiques de cette vigueur et de cette nouveauté[3].

M. Perdrizet a montré dans un curieux mémoire, que ce geste d’Hécube, cette théologie pathétique de l’intercession, dérivent d’Arnauld de Bonneval, disciple de saint Bernard[4]. Ce thème de Notre-Dame, advocata nostra, propagé à travers la prédication des Mendiants, du xiie siècle au xviie, et venant aboutir finalement à Rubens, c’est là un bel exemple de la vitalité d’un motif religieux. En voici un second, plus singulier encore. Il

  1. Fromentin, Les Maîtres d’autrefois, 1876, p. 100.
  2. Voir plus haut, p. 16 et 17.
  3. Ibid., p. 49
  4. Perdrizet, Étude sur la Vierge de Miséricorde, 1908, p. 238 et suiv.