place importante[1]. Le père, jusqu’alors dédaigné, sort de l’ombre. Son travail nourricier, sa tendre providence, son rabot, ses outils sont réhabilités. La douce trinité humaine se complète. Parfois, le père seul mène l’enfant par la main, devient mère à son tour. La foi prend un degré nouveau de cordialité, de chaleur. Le ciel achève de descendre sur la terre. La Sainte-Famille se constitue, modèle de toutes les nôtres, foyer commun des cœurs chrétiens.
Peut-être n’a-t-il manqué à Murillo qu’une chose : il manque à sa sérénité d’avoir passé par la douleur. Murillo n’a jamais souffert, et de là chez lui quelques traces d’enfantillage, un soupçon de puérilité. « La douleur, écrit Millet, est ce qui fait le plus fortement exprimer les artistes[2]. » Mais aussi, comme sa joie est pure ! Quelle richesse, quelle variété dans un sentiment unique ! Aigri, malheureux, eût-il peint avec ce lyrisme, ce bondissement admirables, les plus charmantes madones qui soient, avec celles de Raphaël, plus vierges que celles-ci encore, ses Immaculées Conceptions ? Trente-deux fois, à toutes les époques, Murillo est revenu à ce thème favori, et trente-deux fois, sans fatigue, dans les mêmes données, il a trouvé des œuvres pareilles et différentes, de nouvelles ressources d’élan, de lumière et d’ivresse[3]. Quel peintre, dans un corps d’une plus irréprochable perfection plas-
- ↑ Cf. Mortier, loc cit., t. V, p. 153. L’office propre de saint Joseph, composé par Albert le Grand, est imprimé en 1483 par les Dominicains de Cologne. La dévotion continue et se développe au xvie siècle. Dès 1497, les Prêcheurs de Grenoble instituent une confrérie en l’honneur de saint Joseph. La fête du 19 mars apparaît en 1508 au calendrier de l’Ordre ; en 1513, elle est portée du rit simple au rit totum duplex. C’est un dominicain de Sainte-Marie-des-Grâces, à Milan, frère Isidore Isolani, qui composa le premier traité des privilèges de saint Joseph, Summa de donis sancti Joseph, Pavie, 1522 ; nouv. édit. par le P. Berthier.
- ↑ A. Sensier, La vie et l’œuvre de J.-F. Millet, 1881, p. 102.
- ↑ Cf. Justi, loc. cit., p. 49 et suiv., Die Allerreinste ; l’auteur a réuni, figure 15, un certain nombre d’exemples de ces expressions diverses.