Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tique, a enfermé plus d’infini ? Une enfant, une forme blanche et bleue qui flotte, transcendante à travers un gouffre de clartés, les pieds sur le croissant de nacre, parmi la jubilation de mille chérubins ; une jeune fille pétrie de candeur et d’azur, les épaules inondées du flot naïf de ses cheveux, la face baignée d’amour et couronnée d’étoiles, ses belles mains pressées sur sa gorge comme pour contenir un torrent de jouissances ; quinze ans à peine, et toute la femme transparaissant déjà sous les voiles de la vierge ; de larges yeux noyés de joie ou baissés sur l’excès du bonheur ; la conception représentée comme une assomption, comme le plus haut éclair de la volupté et de la vie, dans une figure de neige, de soleil et de ciel, — connaissez-vous dans l’art pareille vision de l’Éternel féminin ?…

Ah ! la religion, paraît-il, apporte des entraves à l’artiste ! Faites-en donc l’épreuve : comparez les Infantes ou les Ménines de Vélazquez avec une Vierge de Murillo. Les premières, enfouies sous de vastes perruques, harnachées de pampilles comme la selle d’une mule, fardées et peintes comme des idoles, la taille cadenassée dans un corset de fer, la gorge comprimée par des plaques de plomb, les jambes enterrées sous des jupes monstrueuses, — « Une reine d’Espagne n’a pas de jambes ! » disait cet ambassadeur, — les premières, les mondaines, les femmes de la cour, l’étiquette les condamne à des tortures barbares ; la mode les tourmente avec un art sauvage, les défigure comme des fleurs artificielles ; elle en fait de petites formes pyramidales et inouïes, des apparitions d’une chinoiserie impossible et exquise. Les vraies femmes, ce sont les Vierges de Murillo. Seules, elles sont saines et joyeuses ; elles s’épanouissent librement avec les charmes les plus extérieurs de leur sexe. Oui, le catholicisme rend les femmes plus belles. L’Espagne