Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/57

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Ces mesures soulevèrent, chez une partie des frères, un mécontentement profond. Des compagnons de François, de ses disciples de la première heure, beaucoup vivaient encore ; ces vétérans de l’ordre conservaient la liberté d’allures, l’esprit tout spontané de la première société franciscaine. Leur petite coterie avait peine à se faire aux mœurs et aux idées de la majorité nouvelle. Ils ne se gênaient pas pour critiquer hautement la conduite d’Élie, ses habitudes de faste, ses visées de grandeur mondaine, ses manières de dictateur. De la Portioncule ou des hauteurs de Pérouse, ils regardaient monter avec indignation les murailles sacrilèges. Chaque pierre était un affront à l’esprit du Poverello.

Parmi les mécontents, se trouvait frère Léon, le disciple bien-aimé, celui que le maître appelait son « petit agneau du bon Dieu ». Un jour, le mouton se fâcha, il fit sauter le tronc. Élie, furieux, n’eut pas honte de le faire bâtonner. Égide, le mystique, gardait mieux son sang-froid, mais il avait des mots amers, une ironie redoutable. On lui faisait visiter les nouveaux locaux conventuels : il paraissait tout approuver. Quand il eut terminé sa ronde : « À la bonne heure ! Rien n’y manque. Et bientôt, nous aurons des femmes ?[1] »

Tel fut le germe de divisions qui allaient longtemps agiter l’Institut d’Assise, et devenir pour lui une cause de difficultés parfois aiguës. La querelle ne prit fin qu’au bout d’un siècle, sur le bûcher[2]. Et pourtant, on ne peut le nier : au point de vue absolu, au point de vue des inten-

  1. Lempp, Élie de Cortone, Paris, 1901.
  2. Toute cette histoire de P.-J. Olivi et des quatre condamnés de Marseille, en 1319, est très bien éclaircie par le P. Ehrle dans l’Archiv für Litteratur und Kirchengeschichte Mittelalters du P. Denifle (t. II, III et IV). Elle vient d’être résumée dans un esprit très modéré par le P. René de Nantes, Histoire des Spirituels, Couvin, 1909, Cf. F. Tocco, Studii Francescani, Naples, 1909.