Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions évidentes du fondateur et de sa volonté mille fois déclarée, c’étaient les réfractaires qui avaient la raison pour eux. Avec quelle force le maître n’avait-il pas interdit les grandes constructions ! Quelle n’était pas son horreur pour tout contact avec l’argent !

Et saint Dominique n’était pas, sur l’article de la pauvreté, moins radical que son ami. Lui aussi, il avait senti qu’une Église opulente, des évèques féodaux et des abbés à cheval ne seraient jamais des apôtres bien écoutés de l’Évangile. En même temps que François, à coup sûr en dehors de lui, il avait fait du dépouillement volontaire la base de sa création. Mais c’est dans leur manière de comprendre la pauvreté que se marque la différence des deux tempéraments. Pour l’un, elle est surtout une prédication : c’est un argument de plus, une réponse à l’hérésie ou une arme contre elle. Pour l’autre, elle est l’objet d’un choix passionné et des plus intimes préférences. Saint François, cet ancien viveur, cet ex-roi de la jeunesse dorée, ce ravissant enfant gâté du monde et de la fortune, avait soudain compris, un jour, à vingt-cinq ans, que le seul obstacle au bonheur, à la fraternité, réside dans la propriété, si petite qu’elle soit : elle seule enlaidit et rétrécit la vie, nous tourmente, nous travaille, nous empoisonne d’inquiétudes, de convoitises et d’envie. Et pour quoi faire ? Les vrais biens, les seuls nécessaires, l’air, la lumière, la santé, la patrie, la grâce des horizons, sont ceux qui ne coûtent rien : ils sont à tout le monde et n’appartiennent à personne. Quel artiste, pour jouir d’une belle chose, a besoin qu’elle soit à lui ? Lequel, en présence d’un chef-d’œuvre, échangerait sa pure émotion esthétique contre la satisfaction du philistin qui la possède ? La vraie richesse est celle du cœur, tout le reste est du superflu.

Il y a plus. Le renoncement, dans la doctrine francis-