Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/60

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des pains : tel ce chapitre de 1219, célèbre sous le nom du « Chapitre des Nattes », où cinq mille frères de toutes les langues campèrent, pendant l’octave de la Pentecôte, autour de Sainte-Marie-des-Anges. Comme chrétiens, ces gens-là forment l’école du plein air. Qu’on se figure la surprise, quand ils essaimaient deux par deux et qu’on voyait se répandre ces missionnaires en guenilles, avec leurs capuchons, leurs pieds nus, quelques livres dans une sacoche de cuir, presque tous jeunes, joyeux, comme une troupe en vacances, prêchant, pleurant, riant, tels que des chanteurs ambulants et de vrais « jongleurs du bon Dieu » !

Seulement, il y avait dans l’esprit même de saint François quelque ambiguïté sur la nature de son ordre : ou, plus exactement, sa riche pensée comprenait une double tendance. Lequel l’emporterait, l’ascétisme ou l’apostolat, la contemplation ou l’action ? Laquelle devait-on embrasser, l’existence de Marthe ou celle de Marie ? Le mieux était de les unir, mais encore fallait-il prévoir que l’une des deux triompherait. Le jour devait venir où ce délicat équilibre ne se maintiendrait plus.

D’autre part, cette gageure presque insensée, ce paradoxe ou ce défi d’une immense société vivant au jour le jour, sans propriété d’aucune sorte, sans ressources ni revenus fixes, en ne comptant pour subsister que sur les chances aléatoires de la charité publique, exposaient les Mendiants à des voisinages dangereux. Les anciens ordres, voués à la contemplation, s’étaient établis à l’écart, dans des solitudes sauvages, des forêts, des montagnes ; ils défrichaient aux alentours et vivaient en commun du produit de leurs terres. Mais les ordres nouveaux, inaptes à posséder, n’ayant ni greniers ni récoltes, semblables aux oiseaux qui ne moissonnent ni ne sèment, étaient bien obligés de se rapprocher des villes : ils s’y