Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/85

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famille dans une des églises des Mendiants. Là, chaque famille était chez elle : les Cordeliers de Paris étaient pleins de trophées, d’étendards, de bannières prises à l’ennemi, d’ex-voto de tous genres, boucliers, casques, panoplies, écussons, épitaphes : c’étaient déjà les Invalides et Notre-Dame des Victoires[1]. En Italie, chaque chapelle des grandes églises mendiantes porte un nom de famille illustre : chapelle des Strozzi, des Bardi, des

  1. L’église, consacrée en 1262, fut détruite par un incendie en 1580. Lire la description de Gonzague, De Origine Seraphicae Religionis, Rome, 1587. p. 115-134. Cf. Corrozet, Antiquités de Paris, 1550, p. 76 et suiv.

    Les tombeaux existaient encore au XVIIe siècle. Voici ce qu’en dit le P. Castet, Annales des Frères Mineurs, Toulouse, 1680, t. I, p. 313.

    « Cette église était très magnifique, elle avait 230 pieds de longueur et 90 de largeur ; la nef était remplie de sépulcres ornés d’épitaphes sur l’airain ou sur le marbre, le chœur était garni de très belles chaises, et entouré de 25 chapelles fort richement parées, où il y avait des tombeaux très riches. Au premier rang, était le sépulcre de Marie, femme du roi Philippe, fils de saint Louis, et celui de Jeanne, reine de France et de Navarre, femme de Philippe le Bel ; ils étaient tous deux de marbre noir, et les effigies de ces deux reines étaient par-dessus faites d’albâtre. Au second rang, il y avait deux sépulcres de marbre couverts de deux figures, l’une d’un homme et l’autre d’une femme, chacune tenait un cœur à la main et leurs écussons portaient des fleurs de lys liées avec un ruban. Celui de Jeanne, comtesse de Bourgogne et d’Artois, reine de France et de Navarre, occupait le troisième rang, et à son côté était celui du cœur du roi Philippe le Long, son mari. Au quatrième rang, était celui du cœur de Jeanne, reine de France et de Navarre, femme du roi Charles, fils de Philippe le Bel, et celui du cœur de dame Blanche, fille du roi Philippe, qui a été religieuse à Longchamp. Au cinquième rang, était celui de Mathilde, fille du comte de Saint-Paul et femme de Charles, roi de France, et celui d’une autre princesse vêtue d’un habit de religieuse, mais sans nom et sans épitaphe ; au sixième rang, était celui de sainte Blanche, fille de Saint Louis et femme de Ferrand, roi de Caslona (sic) en Espagne. Celui de Louis de Valois, fils de Charles, comte d’Alençon, et celui d’Albert-Pie de Savoye, prince de Carpi : il y en avait encore plusieurs autres de quelques prélats et de quelques autres grands seigneurs. »

    De même, dans Félibien, Histoire de Paris, t. I, p. 262, la description des Jacobins n’est qu’un catalogue de tombes. Et il en est partout ainsi. Aux Jacobins de Sens, Roy a relevé soixante-deux épitaphes. Plusieurs dalles recouvraient chacune deux ou trois corps.

    Cf. le beau passage de Taine, Voyage en Italie, t. I, p. 371, à propos de l’église franciscaine de S. Maria del Popolo : « Partout la mort présente et palpable, etc. ». Et se rappeler encore la vigoureuse prosopopée du cordelier Maillart, rapportée par Henri Estienne (Apologie pour Hérodote, éd. Ristelhuber, t. I, p. 81) : parlant aux femmes galantes qui prennent les églises pour lieux de rendez-vous : « Est-ce que les saints qui reposent là, s’écrie-t-il, ne vont pas se lever pour vous arracher les yeux ? ».