Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/93

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à saint François dans cette évolution, ce qui s’y produit d’inédit et vient s’y insérer du fait de son existence.

La peinture, en effet, au début du XIIIe siècle, traverse en Italie un de ses plus mauvais moments. C’est la queue misérable de l’école byzantine ; une tourbe de manœuvres sans talent, sans génie, répète invariablement, à l’usage de fidèles ignares, des formules stéréotypées, qui se figent encore entre leurs mains et deviennent de jour en jour plus sèches et plus grossières. Rien de plus affligeant pour la pensée humaine que cette ère de stagnation et de stérilité, avec son remâchement et son ânonnement incurables, sa production honteuse de fétiches barbares. Sur ces entrefaites éclate le « miracle » des stigmates : on cherche à représenter l’histoire du nouveau Christ…

Je voudrais vous montrer ce qu’une « vie de saint », une biographie contemporaine, comme celle de saint François par Giotto, apportait de nouveau dans cet art cadavéreux. Je dirai d’abord quelques mots de ce qui l’annonce ou la prépare ; puis nous verrons en dernier lieu quelques-unes de ses conséquences pour l’art européen.


I


Avons-nous un portrait de saint François ? Wadding dit quelque part qu’un comte de Montaigu, désireux de conserver ses traits, le fît peindre en secret par un peintre de ce temps-là, un « Grec » du nom de Melormus. On profita d’une heure où le saint était ravi en oraisons. Que ne donnerions-nous pas pour avoir cet instantané de l’extase[1]?

  1. J’ignore sur quelle preuve Sir Martin Conway, Early Tuscan Art, (Londres, 1902, p. 96), prétend que ce portrait est celui du musée de Pise.