Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/94

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On montre encore en Italie un certain nombre de ces « portraits authentiques » de saint François. On sait par saint Bonaventure qu’il y en avait un chez une dame romaine, sans doute cette Jacoba de Settesoli, la noble et gracieuse amie que le père séraphique appelait en souriant son « frère Jacqueline » : et c’est peut-être ce portrait que possède la petite église romaine de San Francesco à Ripa. On en conserve un autre fort curieux à Greccio. Là, le saint est représenté dans une attitude émouvante : il sanglote et essuie ses larmes d’un mouchoir[1]. Plusieurs sont répandus encore en divers lieux ; la plupart sont affreux ; aucun du reste n’a l’antiquité dont il se vante ni l’autorité qu’il réclame. Le plus ancien de ces documents est le portrait de Pescia, qui est signé du peintre Bonaventure Berlinghieri et daté de 1235 : saint François était mort en 1226.

Toutes ces images portent les stigmates, et c’est assez

    Quant à la vieille fresque du baptistère de Parme, presque aussi archaïque que le portrait de Greccio, et où l’on voit un personnage conversant avec un Séraphin, c’est une œuvre fort énigmatique, dont on ne sait si elle représente la Vision d’Ézéchiel ou les Stigmates de saint François. — Sur cette question de l’iconographie de saint François, cf. le Saint François d’Assise publié par les franciscains, Paris, Plon, 1885, in-fo ; l’ouvrage cité de Thode, au tome Ier de la traduction française ; et quelques pages charmantes de M. de Wyzewa, à la suite de sa traduction du Saint François de Joergenssen, Paris, 1909. Voir encore le travail de Miss Emma Salter, Franciscan Legends in Italian Art, Londres, 1905.

  1. À propos de ce portrait pathétique, le lecteur me pardonnera de rappeler l’histoire mystérieuse que rapporte Wadding (t. VIII, p. 333). Elle respire l’exaltation passionnée, la fièvre d’une petite église ou d’une secte persécutée. Elle se réfère à l’année 1376. au temps des convulsions suprêmes de l’école des Spirituels agonisante. Voici l’histoire. Des évêques étaient réunis pour abolir l’ordre des Mineurs, dans une ville que l’on ne nomme point, mais où le vitrail de la cathédrale représentait saint Paul armé de son épée, saint François la croix à la main. Une nuit, le sacristain entend ces paroles de saint Paul : « Que fais-tu, François ? Pourquoi ne défends-tu pas ta famille ? » — « Cette croix m’apprend à souffrir. » Le dialogue continue, l’apôtre pousse François à la lutte, et lui offre son arme. À l’aube, le sacristain inquiet accourt à l’église : saint François tenait le glaive, et ce glaive était ensanglanté. Et déjà courait dans la ville la rumeur que le prélat abolitionniste venait d’être assassiné.