Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/122

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Et puis, je le sais bien, vous m’avez oubliée une fois, vous m’oublierez encore : il y a tant d’autres femmes… il n’y a qu’un petit-fils…

Pour moi, il n’y avait que vous ; il n’y aura que vous. Vous resterez la moelle vivante de mes pensées : personne ne peut vous enlever de là. Je vous garderai, mon ami !

Vous voyez mal, je ne suis pas si pâle… Laissez-moi vous parler et regarder vos yeux… laissez l’heure mourir…


Partir ? C’est vrai, il le faut. Cela paraît tout simple de se dire au revoir… Mais moi, je sais que c’est jusqu’à l’autre vie… c’est long…

Donnez-moi cette chère main qui voulait m’emmener…

— Ma mère, notre ami prend congé.

Oui, je frissonne ; le feu s’est éteint. Le froid monte…

— Jules, reconduisez.

La frénésie de la douleur qui se pourrait encore guérir… Un cri, il reviendrait…


La porte de l’hôtel s’est refermée.

C’est fini. Si j’appelais, il ne m’entendrait plus ; si je courais, je ne le trouverais plus. Mon ami est parti. Je n’ai qu’à me coucher dans cette inexo-