Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon cœur, sans relâche, d’un refrain gémissant. Et Jean l’entend, car il se lève brusquement et ferme le piano.

— Cela fait trop mal. Ne jouons plus.



Nous sommes à la campagne. Colette cueille des asters, dérange des vols d’abeilles bourdonnant dans le soleil d’octobre. Nous marchons sur le gazon qui cède sous nos pas comme de la pluche. Une pluie de feuilles roussies tombe doucement. Il fait doux à miracle.

— Jeanne, la joie, c’est cela : regarder ensemble le temps, les feuilles, le soleil…



À table. Du monde causeur, intime, le tapage d’un dessert lâché, fusées de rires, tintements de cristal, orchestre de voix et de murmures mêlés. Et tout-à-coup dans l’éclat mouvant des visages animés ou riants, la figure de Jean tournée de mon côté, effaçant toutes les autres. Mon Dieu, Jean n’est plus jeune… et comme ses yeux sont fatigués…