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La douce et tenace procession continue à me suivre. Les Jean innombrables, les Jean de jeunesse ou de gravité, les Jean lentement usés par la vie, marchent à côté de moi ; je les sens, je leur parlerais… et parfois, interdite, je retire une main qui les a frôlés au passage… Ils me calment. Je ne me plains plus : les Jean sont avec moi…

Une paix extraordinaire descend, me couronne de sa noblesse.


XVIII


Voilà des mois, des années que je n’ai ressenti ce calme de l’âme. Tout, autour de moi, semble apaisé par lui. Il immobilise et raréfie l’air. Il m’entoure d’une zone de silence. Le monde, les amis auxquels je parle, me paraissent lointains ; leur voix, pour me parvenir, doit traverser cette zone ralentie, m’arrive étouffée, étrangère.


XIX


Je ne touche plus les images de Jean, je ne vois plus Jean. Je suis toute seule. Que lui est-il arrivé ? Pourquoi m’a-t-il quittée…