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Madeleine. — Et vous ?

François. — Moi ? Madeleine, regardez-moi. Je suis un pauvre homme qu’on plaint. Je ne guérirai jamais.

Madeleine. — Et c’est pour cela que vous me parlez ainsi ?

François. — C’est pour cela que je vous parle ainsi.

Madeleine. — Parce que vous avez été brave ? Parce que vous avez été malade ? Parce que vous avez maigri ? Cela vous chagrine donc tant ? Parce que vous croyez que cela compte pour moi… (riant) cette histoire de balance !

François. — Ah ! Madeleine, votre rire… Non, je sais ce qui compte pour vous. Hélas, je le sais. C’est le petit effort de mon esprit vers l’infini. Cela a séduit votre générosité. Ma forme physique ne s’est jamais illusionnée. Je n’ai, du reste, jamais été qu’un déchet, l’intellectuel rabougri dont sourient les maris. (Brusque et sourde violence.) C’est pour moi que cela compte. Car pour moi, votre forme a compté. (Un instant de silence et de lutte.) Mais j’accepterai. Il faut le temps. J’accepterai d’être encore votre ami. Et que vous me regardiez avec cette douce confiance dans ma force… car j’ai été très fort près de vous, y avez-vous jamais pensé ? Elle reviendra peut-être. Nous pourrons