Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/37

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sous l’étoffe traîtresse : Nine est là, véritable, dans le cadre éclatant de ses richesses, avec ses cheveux et ses lèvres de vie, dans sa féminité redoutable et royale. Le rêve est devenu femme, si vite qu’il n’en semble qu’une phase nouvelle, saisissante comme un mirage.

— Pardonnez-moi, voulez-vous ? Je me suis dépêchée… J’ai passé tous les plats…

Elle est venue à lui presqu’en courant, comme une petite fille. Elle a pris ses deux mains et s’écarte un peu pour le mieux voir ; en même temps, elle se fait voir, sa tête ravissante offerte à son regard, dans une fierté juvénile et hardie.

— C’est moi !

Il reste foudroyé. Il ne parle pas. C’est elle, c’est le fantôme pervers au savant sourire. C’est la femme du portrait, de la danse lascive, l’amie de l’homme, là, aux yeux de tendresse et de rouerie…

— Venez.

Elle l’entraîne. Et c’est droit vers le coin de la chaise longue, dans l’ombre du petit paravent. Elle s’assied, et il s’assied près d’elle. Elle refait mollement tous les gestes qu’il a vu faire, tantôt, au spectre. Et il lui semble que lui aussi les répète, qu’il a les yeux ardents de l’autre… La main blanche de Nine est là, déjà, cachée par les den-