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LA LETTRE À ANDRÉ
André, si cette lettre te parvient, ayant franchi l’épouvantable frontière, si tu la prends enfin dans tes mains durcies de soldat, je t’en prie, tiens-la bien doucement, touche-la avec pitié, avec respect, comme on doit toucher un cœur très malade qui palpite de ses dernières douleurs avant de mourir. Ne ris pas ! Tu as toujours, comme moi, ri de tout ce qui sentait, de tout ce qui souffrait, et qui n’était pas nous : maintenant, quand les autres souffrent, ils me heurtent le cœur comme si d’invisibles liens me liaient à leurs peines. Mais toi, tu