Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/84

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voluptueux et courts sanglots, rythmés par le chuchottis énorme de la mer. Et du côté de Flandre, une vibration, un ébranlement sourd, comme de lointains coups de gong, fait la basse harmonieuse et grave du concert.

— Le canon, dit Victor. On l’entend bien d’ici.

— C’est beau, ce bruit. Pourvu qu’on se batte fort, dit Céline.

Victor écoute. Une pensée semble lui venir, apportée par le bruit de la bataille.

— On dit qu’ils vont rappeler les hommes partout, les faire marcher.

— Tu ne vas pas te faire trouer la peau, dit Céline.

— On rentrerait chez nous, amour, on boirait de nouveau de la torréaline, on gratterait le beurre sur son pain…

Céline soupire :

— On ferait ça pour toi, amour.

De nouveau les lèvres de Victor boivent l’or qui s’éteint sur la peau de Céline.

— Amour !

— Amour !

Une beauté miraculeuse s’étend, tandis que le soleil s’enfonce, au bout du chemin d’or, dans la mer. Le soir divin descend, avec des tons irréels de commencement du monde. La plage fuit,