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Page:Gingras - Les Guérêts en fleurs, poèmes du terroir, 1925.djvu/137

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CHAGRIN D’OISEAU


Dans la forêt paisible où d’un pas lent la nuit
Amoureuse s’approche et se pose sans bruit,
La linotte revient à tous petits coups d’ailes
Pour ne pas éveiller de ses amours fidèles
Le fruit qui, sous l’ombrée, ainsi qu’un pur ruisseau,
Repose, faible encore, au fond de son berceau ;
Et sur ces frêles corps au fin duvet de neige
Jette un regards ému qui rassure et protège.
Un vent imperceptible agite les rameaux.
Les étoiles, au ciel, comme de clairs émaux.
Poudroient de rayons d’or les doigts fins des branchettes
Dont le froissement vibre ainsi que des clochettes.
Et tout dort. La nature a reconquis ses droits.
Ayant fait brin par brin le nid aux murs étroits,
Comme un vivant rempart, la linotte, à cette heure,
Couve ses oisillons et veille à sa demeure.
Mais demain… Ô fatal demain… ! Les nourrissons
Ayant vocalisé des bribes de chansons,
Sans plus se soucier des douleurs de leur mère,
Sans songer aux périls de l’existence amère.
Croyant même connaître en tous lieux les chemins,
Surmonter les dangers des fauves, des humains,
Et toujours boire en paix à la source où l’on aime,
Le nid, ils quitteront sans craindre l’anathème.