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LES GUÉRÊTS EN FLEURS

III

Ici, rien n’est changé.     Dès que sur la colline
Le soleil en sa gloire émerge du lointain,
Un coq soudain claironne en un appel hautain
La fuite de la nuit qui lentement décline.

Une fenêtre s’ouvre ; et l’on entend alors
L’écho d’un pas furtif aller de chambre en chambre ;
Et, que l’on soit en mai, que l’on soit en décembre,
Du regard « l’habitant » explore les dehors.

L’âtre fume ; le bruit sonore des vaisselles
Annonce les apprêts du repas coutumier.
Ayant mangé, l’on part ! La charrette à panier
Chante, pleure ou gémit aux chocs de ses ridelles.

L’air odorant et pur dilate les poumons.
Cependant qu’en l’obscur paysage des routes
Silhouettes et voix vont se confondant toutes.
Les oiseaux à leurs chants préludent sur les monts.

Un clocher lance au loin sa note d’allégresse,
Note à laquelle, émus répondent le vieillard.
La veuve, le rentier qui vont dans le brouillard,
Piétinant sur la route, assister à la messe.

Et la vie, à cette heure émouvante du jour
Que l’astre échauffe et dore en sa course éphémère,
Marque à l’homme en son cycle, hélas ! sa tâche amère :
Il devra s’y prêter sans honte et sans détour.