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Page:Gingras - Les Guérêts en fleurs, poèmes du terroir, 1925.djvu/181

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GRIGOU

Qui, de loin le regarde et murmurent entr’eux
Des mots provocateurs que parfois accompagne
Un geste de dédain méprisable et honteux.
De l’église, bientôt voici l’humble portique
Aux fidèles offrant son accueil familier.
Hâtivement, Grigou, franchit le seuil rustique
Et des regards se cache à l’ombre d’un pilier
Dont le faîte envahi par un pieux silence
Gardera tout le jour comme autant de secrets,
Du loqueteux passant la timide présence,
Et des mots entendus l’essaim des noirs regrets.

III

À présent, dans la chaire, un vieux prêtre, un apôtre
Du sol comme du Christ, d’un accent grave et doux,
Dit ce prône : — Ô mon frère, en Dieu seul qui fit nôtre
Cette glèbe marâtre où souvent tes genoux,
Sous le faix coutumier ploient avec persistance,
En Dieu seul, crois, espère, et ne rougis jamais,
De l’atavisme heureux de ton humble existence.
Sous ton grossier habit, que ton cœur désormais,
Soit généreux et bon quand ta main dès l’aurore
Jette au sillon béant la graine sous tes pas,
Car ce geste est plus beau, plus magnifique encore,
Sauf celui de bénir, que tout autre ici-bas.
De la vie à cette heure affronte la tempête !
Aucun spectre ne vaut, même fut-il royal,
L’aiguillon que ton bras fait peser sur la tête
De tes bœufs au regard attentif et loyal.
D’une âme sans envie et d’un cœur sans partage,
Aime tes monts ombreux, ta chaumière et tes champs ;
Sois fier, mais sans orgueil de ton noble héritage ;
Espère en l’avenir et fuis tes vains penchants !
L’avenir ! Mais, c’est toi, maître aimé de la plaine !