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LES GUÉRÊTS EN FLEURS


Bientôt, c’est un ruisseau jaseur qui les arrête.
Et Pierre à sa Jeannotte indique de la main
Sur les cailloux luisants, plats et secs, le chemin
Qu’elle suit en songeant à n’être pas distraite.

Ils ont vite franchi l’obstacle en quelques bonds…
Et dans l’air des baisers et des rires fous pleuvent,
Effrayant les oiseaux qui dans l’onde s’abreuvent ;
Et le couple joyeux repart, en vagabonds.

Mais l’homme, malgré tout, reste songeur et triste.
Son regard soucieux, — peut-être sans raison —
Voit la crainte mortelle, à l’instar d’un poison,
S’insinuer en lui comme un remords persiste.

« Moi, dit-il, le front bas, je ne veux pas mourir
« Dans cette humble campagne où l’on a peine à vivre ».
Et sa femme répond : « Ami, pourquoi poursuivre
« En ton âme, ce rêve, et d’espoir, le nourrir… ? »

« Pourquoi quitter ce coin qui jadis nous vit naître… ?
« On te salue, on dit : c’est Durant, le faucheur !
« Reste, car la Cité dont le geste est menteur,
« Sous son luxe apparent ne saurait te connaître ! »