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LE JOUR DES MORTS


Comme s’il devait par décret
À l’horizon faire antichambre,
À peine le soleil paraît
Par ce matin du deux novembre
Au regard du jour indiscret.

Et voici que, de leurs chaumières,
Dont l’aube éclaire un peu le seuil,
Sortent paysans et fermières
Courbés sous le poids de leur deuil ;
Des pleurs brillent à leurs paupières.

Silencieux, par les champs nus
Où l’oiseau tait son babillage,
Suivant des raccourcis connus,
Vers l’humble église du village,
Ils vont songeant aux sons ténus

Que leur redit la voix tremblante
D’une cloche égrenant sur eux
Sa plainte grave et douce et lente…
Ils vont, écoutant, les aïeux,
Du passé la chanson dolente.

Ils se parlent tout-bas, tout bas…
On dirait même que la route
Voile jusqu’au bruit de leurs pas,
Tant la campagne entière écoute
L’appel agonisant du glas.