Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
PINDARE

fera naître cette noble forme de l’orgueil qui ne s’enferme pas dans une émotion égoïste, mais se répand au dehors et rapproche chacun de tous par une glorieuse solidarité, où il se sent encore uni au passé et à l’avenir, aux ancêtres et à la postérité. Mais ce ne sera pas tout, ou plutôt ces sentiments prendront un caractère particulier, à la fois plus vif et plus profond. De ce rapprochement perpétuel avec les dieux se forme dans l’âme du Grec un fond de croyance, dont il a la conscience plus ou moins nette, à une action supérieure qui domine toute sa destinée. Il est sous une impression merveilleuse qui redouble l’émotion du présent et passionne l’attente de l’avenir. La prospérité, le bien d’aujourd’hui, c’est le triomphe des heureuses influences qui protègent, avec la cité, chacun de ses enfants, c’est la manifestation du patronage intermittent qu’exercent sur lui par des voies secrètes ses divinités. Qui sait si leur faveur ne disparaîtra pas demain ? Qu’il jouisse donc, pendant ces heures privilégiées, de tous ces biens dont l’usage lui est permis, et du succès qu’il vient de remporter, et de cette richesse qui éclate autour de lui dans les délicatesses du luxe et dans les œuvres de l’art, et de ces belles fêtes qui l’enivrent, et surtout du sentiment de ses puissantes facultés. Croyez-vous cette peinture factice ou exagérée ? Prenez l’histoire de ces temps où les