Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

fêtes triomphales atteignent tout leur éclat. Athènes détruite par les Perses et passant en un instant de la ruine au comble de la gloire ; Égine, sa noble alliée, bientôt assujettie par elle-même ; la riche Syracuse repoussant la grande invasion carthaginoise ; ailleurs, à Thèbes, à Argos, à Rhodes, des troubles renversant l’autorité des anciennes familles et mettant tout l’État en péril. Il est inutile de poursuivre l’énumération ; assurément il y a là assez de vicissitudes soudaines, de menaces et de coups du sort, pour nous autoriser à dire que les Grecs vivaient alors sous la constante impression des influences auxquelles ils attribuaient les variations de leur fortune.

À leurs yeux, le premier mérite de Pindare fut d’exprimer avec une force singulière l’état de leurs esprits pendant ces solennités. Il dégagea des obscurités de leur conscience ce souci de la destinée qui s’y agitait confusément, mais avec force. Il les éleva à sa suite jusqu’à des vues générales et un sentiment supérieur de la condition humaine d’où naissait la sérénité. Nous reviendrons sur cette idée. En même temps, il leur représenta sous les images les plus vives ces souvenirs et ces légendes mêlées de prospérités et d’infortunes, qui composaient pour chaque cité et pour chaque famille le trésor héréditaire de gloire dont la fête du jour consacrait l’accroissement. Enfin, par la merveilleuse puis-