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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

toute la surface du monde grec un seul incrédule. Ce qui existe, c’est dans la foi une liberté, une aisance analogues à celles qui nous frappent dans la mythologie ; ce sont des degrés selon l’importance des faits ; c’est un certain vague sur les points où le mythe lui-même flotte dans une sorte de vapeur capricieuse. Depuis Homère il y a dans chaque Grec un croyant et un poète : à plus forte raison cet état d’esprit est-il celui d’un poète de profession, dont la mythologie anime les vers comme elle anime les fêtes dont ils font partie.

Veut-on savoir quel est, vers ce temps ou même un peu plus tard, l’effet de cette diversité et de cette mobilité sur la foule et sur les penseurs religieux ? La foule se contente de dire, comme le personnage de Sophocle au sujet du nom des Euménides et du culte qui leur est rendu à Colone : « Une chose est bonne ici, une autre ailleurs. » Hérodote, lui, parcourait avec une ardeur infatigable l’Asie, l’Égypte et l’Europe, pour comparer les légendes religieuses des différents sanctuaires et en retrouver la filiation. Ne croyons pas, même sur la foi de M. Croiset, qui appelle cela de la souplesse lyrique, que Pindare se promène en artiste dans ce monde des mythes religieux, uniquement préoccupé d’y cueillir des fleurs pour les couronnes qu’il a mission de tresser. Non ; il s’associe avec sincérité aux sentiments de la foule pour laquelle