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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/136

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

se soumet aux lois d’une logique secrète que le raisonnement peut découvrir. Tantôt, tout se résume en une impression nette et profonde, mais qui échappe en grande partie à l’analyse. Toujours, quelle que soit la pensée première du poète, il parle un langage qui diffère beaucoup de celui de la prose et se refuse aux mêmes procédés d’interprétation. « Il se sert des idées et des paroles comme un musicien se sert des notes ; il en compose une mélodie d’une espèce particulière, d’où sa pensée fondamentale se dégage, en dehors même de toute énonciation directe, par le seul mouvement de l’ensemble. » Il y a beaucoup de rapport entre une idée musicale et une idée lyrique.

On comprend peut-être maintenant pourquoi l’expression longtemps consacrée de désordre pindarique trompe sur le point de vue où il convient de se placer pour juger Pindare. L’ordre, chez les Grecs du ive et du ve siècle avant Jésus-Christ, ne s’entendait pas de même qu’aujourd’hui chez nous. L’éducation de notre goût s’est faite sous la double influence de nos deux derniers siècles et des écoles de l’antiquité. Les préceptes de ces écoles, comme les lois auxquelles ont obéi les plus purs génies du siècle de Louis XIV, sont dictés par ce qu’ils appelaient la raison, c’est-à-dire par un sentiment supérieur de l’enchaînement logique des pensées et de leur convenance avec le sujet. Le travail de