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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

différentes scènes, ne comprendrait qu’à demi la composition d’un drame grec. Le principal est dans la succession et le rapport des effets, dans la distribution de la lumière et des ombres. De même, dans ces petites pièces, dont chacune, par le choix des éléments comme par la couleur générale, avait son caractère propre, la loi suprême observée par Pindare n’était pas de marquer les transitions et la suite apparente des idées, mais d’agir sur les imaginations et sur les âmes, de telle sorte qu’au moment où s’éteignaient les derniers sons de la voix et de la lyre, elles se trouvassent, sans en avoir conscience, dominées par les sentiments et les pensées qu’il avait conçus d’avance sous l’inspiration savante de la muse. Après tout, Boileau avait peut-être une vague idée des conditions particulières de la poésie lyrique en Grèce, quand il écrivit sur Pindare la phrase obscure que nous citions en commençant : « C’est un génie qui, pour mieux entrer dans la raison, sort de la raison même. » Il ne se trompait pas, s’il voulait dire que Pindare ne s’affranchit de certaines convenances, que nous comprenons, que pour mieux satisfaire à des convenances supérieures, dont nos mœurs sociales et littéraires ne nous permettent pas la complète intelligence.

Dans la composition d’une ode de Pindare entraient deux éléments qui contribuaient à l’unité