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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/165

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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

ces du poète, il en est où la pensée dramatique a plus de grandeur et où les angoisses de l’émotion tragique sont plus vives. Il faut donc bien que dans cette fleur si prisée de sa riche couronne ait brillé à un degré supérieur cette clarté harmonieuse qui le distingue entre ses rivaux. Eh bien, aujourd’hui on ne s’accorde pas sur le sens de l’Antigone, et l’on discute pour savoir quelle en est l’idée principale : fait étrange, et qui doit nous avertir combien il nous manque encore, et sans doute il nous manquera toujours, pour arriver à la pleine et entière intelligence du drame grec.

Cette divergence entre les interprètes est venue principalement d’une opinion émise avec autorité par un des hommes qui ont le mieux connu la Grèce, le célèbre érudit Auguste Boeckh. Bien qu’assez singulière en elle-même, comme j’essayerai de le montrer bientôt, cette opinion n’en a pas moins fait loi en Allemagne, où la critique sur l’Antigone n’est guère, depuis un demi-siècle, qu’un acquiescement prolongé à la doctrine de l’illustre maître. Pour ne citer que les principaux, des hellénistes de la valeur de Godefroid Hermann et d’Otfried Muller l’ont docilement acceptée. Boeckh l’exprimait pour la première fois en 1824 dans une dissertation qu’il reproduisit dix-neuf ans plus tard à la suite d’une traduction, et nous la retrouvons encore en 1872 dans la dernière édi-